Glaucome

Qu’est-ce-que le glaucome ?

Le glaucome est une maladie oculaire potentiellement grave, caractérisée par une atteinte du nerf optique et des cellules nerveuses le constituant. Des altérations du champ visuel, d’abord en périphérie puis se rapprochant vers le centre de la vision, s’associent à cette atteinte du nerf optique.

Cette définition correspond à des entités nosologiques différentes, avec des caractéristiques cliniques différentes. On distingue en effet plusieurs types de glaucomes :

  • les glaucomes primitifs des glaucomes secondaires (c’est à dire liés à une cause particulière ou à une autre maladie oculaire venant la compliquer).
  • le glaucome à angle ouvert du glaucome par fermeture de l’angle (où l’angle irido cornéen (où se situe le « filtre » de l’œil – le trabéculum) est fermé et l’évacuation des fluides de l’œil n’est plus assurée). Il existe également des formes de glaucome mixte
  • les glaucomes aigus, les glaucomes subaigus, les glaucomes chroniques
  • les glaucomes congénitaux, infantiles, juvéniles, de l’adulte, en fonction de l’âge de survenue de la maladie.

Le glaucome est une maladie fréquente, elle représente la deuxième cause de cécité au niveau mondial (derrière la cataracte) et touche 1 à 3% de la population au-delà de 40 ans. C’est la 1ère cause mondiale de cécité non-réversible. Le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) est la forme la plus fréquente.


Les facteurs de risque du glaucome

La chambre antérieure de l’œil est située en avant du cristallin et de l’iris ; il y circule un fluide biologique nourricier transparent, l’humeur aqueuse. Ce liquide biologique est normalement produit par les corps ciliaires en arrière de l’iris, passe au travers de la pupille, circule dans la chambre antérieure pour ensuite être évacué au niveau du trabéculum. Le trabéculum, filtre situé à la périphérie de l’iris, dans l’angle irido cornéen, assure donc l’évacuation de l’humeur aqueuse.

Anatomie de l’angle irido-cornéen

L’hypertonie oculaire

L’équilibre pressionnel qui règne dans l’œil correspond à une balance entre la production de fluide et son évacuation. Une augmentation de la pression intraoculaire correspond généralement à un défaut d’évacuation de l’humeur aqueuse, le trabéculum assurant moins bien son rôle de filtre passif, présente une résistance. La pression augmentée ainsi dans l’œil peut entraîner une souffrance mécanique très lentement progressive (« écrasement ») du nerf optique. L’hypertonie oculaire représente le facteur de risque majeur de survenue de glaucome. Il est important de souligner que la mesure de la pression intraoculaire fait partie de la consultation d’ophtalmologie ; cette mesure doit être pondérée par la notion d’épaisseur de la cornée, en effet la pression intraoculaire est surestimée en cas de cornée épaisse et inversement sous-estimée en cas de cornée fine. La pression intraoculaire présente par ailleurs des variations normales au cours de la journée et n’est donc pas un chiffre immuable.

L’hypertonie oculaire n’est pas pour autant synonyme de glaucome, un nombre important de personnes présentant une hypertonie oculaire ne développent pas de glaucome (pas d’atteinte du nerf optique). Pour ceux-ci, il est recommandé d’effectuer une surveillance ophtalmique régulière,  annuelle et à vie, sans forcément besoin de traiter cette hypertonie.

A l’inverse, on peut avoir un véritable glaucome (atteinte du nerf optique avec altérations du champ visuel) sans jamais présenter d’hypertonie oculaire. Il faut alors s’interroger sur les autres facteurs de risques éventuels.

L’âge

Le glaucome est souvent décrit comme une maladie liée à l’âge, même si un glaucome peut survenir à tous les âges de la vie. Le glaucome est lié à une perte en fibres nerveuses visuelles, or nous en perdons régulièrement en vieillissant, 1 cellule ganglionnaire par heure et par nerf optique. Nous possédons en moyenne 1,2 million de fibres optiques par œil, ce qui en l’absence de processus pathologique nous permettrait de vivre voyant au-delà de notre espérance de vie.

Le glaucome entraîne une cassure de cette courbe avec une accélération de la perte physiologique des cellules ganglionnaires et de leurs axones.

Les antécédents familiaux

Ce terrain familial représente un facteur de risque de survenue de glaucome, ce qui impose une sensibilisation et une surveillance orientée des patients rapportant de tels antécédents familiaux.

L’origine ethnique

Les patients mélanodermes sont plus à risque de développer un glaucome, probablement par le biais de différents facteurs : une pression intraoculaire plus importante, un terrain familial, une prédisposition génétique, des facteurs environnementaux….

Les patients hispaniques présentent aussi un risque accru de développer un glaucome primitif à angle ouvert.

Le glaucome primitif par fermeture de l’angle est plus fréquent chez les patients asiatiques. Enfin le glaucome à pression normale est retrouvé avec une fréquence accrue chez les patients japonais.

Les prises médicamenteuses

Les corticoïdes sont des médicaments anti inflammatoires qui sont par exemple indiqués dans des pathologies générales telles que l’asthme, les rhumatismes, ou dans des pathologies oculaires telles que les uvéites, les conjonctivites allergiques sévères. Ces médicaments, utilisés au long cours, peuvent entraîner une hypertonie oculaire chez des patients prédisposés avec un risque de survenue de glaucome.

Par ailleurs, certains médicaments sont susceptibles de déclencher une crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle chez des patients présentant une prédisposition anatomique. Il s’agit de médications présentant des propriétés atropiniques, dilatant la pupille comme certains anxiolytiques, certains anti dépresseurs…

Le terrain vasculaire

Les facteurs de risques vasculaires sont à rechercher en cas de glaucome, ils sont susceptibles d’aggraver la neuropathie.

Autres facteurs de risque

Plus rarement ont été impliqués les tumeurs intracrâniennes, les dysthyroïdies, le diabète qui est actuellement discuté en tant que facteur de risque, le syndrome d’apnée du sommeil…


Les formes cliniques du glaucome

1) La  crise aiguë d’hypertonie par fermeture de l’angle

Autrefois appelé Glaucome Aigu par Fermeture de l’Angle (G.A.F.A.), cette complication brutale est liée à une anomalie anatomique préexistante et jusque-là muette.

Sous l’influence de facteurs variables, un angle irido cornéen étroit se ferme, empêchant ainsi l’évacuation des fluides de l’œil. La sécrétion de l’humeur aqueuse étant constante, il s’ensuit une élévation rapide de la pression intraoculaire. En quelques heures la douleur est intolérable, et la vision s’effondre.

Le traitement de la crise de G.F.A. est une urgence :

  • médicale, afin de faire baisser la pression intraoculaire le plus rapidement possible
  • puis chirurgicale : iridotomie périphérique au laser (ou chirurgicale). Cela consiste à effectuer un petit trou dans l’iris pour rétablir la communication de la partie postérieure à la partie antérieure de l’œil et ainsi rouvrir l’angle et assurer la filtration. L’ablation du cristallin en urgence (par phako-émulsification) est une autre alternative à prendre en compte.

L’anomalie de l’angle irido cornéen étant le plus souvent bilatérale, le traitement laser ou chirurgical sera appliqué à l’autre oeil de façon préventive.

2) Le glaucome à Angle Ouvert (G.A.O.)

Autrefois appelé Glaucome Chronique, cette affection oculaire est d’autant plus grave qu’elle est d’évolution lente et pratiquement sans signe d’appel.

La maladie est due à une gêne à l’évacuation de l’humeur aqueuse vers les espaces extra oculaires. Dans ce cas, l’angle irido-cornéen est d’ouverture normale mais le « filtre », au travers duquel l’humeur aqueuse doit passer, présente une résistance anormale. Il en résulte une augmentation de la pression intraoculaire par défaut d’évacuation et des altérations du nerf optique peuvent apparaître avec des anomalies du champ visuel plus tardives en règle. Le dépistage de la maladie par la mesure systématique de la pression intraoculaire et l’examen minutieux du nerf optique lors des consultations chez l’ophtalmologiste, permet un diagnostic précoce de l’affection et la mise en oeuvre de son traitement sans délai.

Le traitement du glaucome primitif à angle ouvert peut être selon la gravité de l’affection et son degré d’évolutivité, médical, chirurgical ou au laser.

3) Le glaucome à Pression normale (GPN)

Encore appelé glaucome à pression intraoculaire basse, il est caractérisé par une atteinte du nerf optique de type glaucomateux, avec des altérations caractéristiques du champ visuel, et ce, sans élévation de la pression intraoculaire. La recherche d’autres facteurs de risque, notamment vasculaires est essentielle. Le traitement et la prise en charge du GPN sont similaires à ceux du GPAO, à savoir un abaissement supplémentaire de la pression intraoculaire. Il est recommandé et serait bénéfique à la préservation, à terme, du champ visuel.

4) Les glaucomes secondaires

Certains glaucomes sont dits secondaires car sont associés à des circonstances de survenue favorisantes. Il peut s’agir d’un traumatisme oculaire, d’une prise médicamenteuse, d’une chirurgie oculaire, d’une inflammation intraoculaire, d’une dispersion de pigments à l’intérieur de l’œil…

Une forme de glaucome particulière : le glaucome néo vasculaire est caractérisé par la survenue de vaisseaux anormaux à la surface de l’iris et dans l’angle irido cornéen. Il est généralement en rapport avec une pathologie rétinienne telle que le diabète, une occlusion vasculaire…

Les bases du traitement sont là encore comparables à celles décrites préalablement, avec en plus, la prise en charge de la pathologie initiale si celle-ci est accessible.

5) Les glaucomes congénitaux

Des enfants naissent avec une anomalie au niveau de l’angle irido-cornéen, cette anomalie entravant la circulation des fluides au niveau de l’œil. Les signes cliniques sont généralement évocateurs avec larmoiement, photophobie, l’œil apparaît agrandi et trouble (mégalocornée). Une prise en charge chirurgicale rapide est recommandée afin de lever l’obstacle à l’évacuation des fluides intraoculaires. Si la prise en charge adaptée est effective et rapide le pronostic visuel peut être préservé.


Le diagnostic du glaucome

Le dépistage précoce du glaucome est un aspect fondamental de la prise en charge ; en effet, plus un traitement est institué tôt, plus les chances de succès sont bonnes. Ce dépistage nécessite un contrôle ophtalmologique avec examen clinique et prise en considération des facteurs de risque. Le diagnostic n’est pas toujours simple à faire à un stade précoce mais bénéficie à l’heure actuelle des avancées technologiques dans le domaine de l’imagerie du nerf optique et dans l’exploration du champ visuel.

Signes fonctionnels

Au début de la maladie, on ne ressent rien, on ne perçoit rien. Au fur et à mesure que la pathologie avance on peut ressentir des perturbations du champ de vision périphérique, « rater » des objets dans la périphérie du champ visuel. A un stade plus avancé, certains patients peuvent voir comme au travers d’un tunnel étroit, où la vision périphérique est atteinte mais la vision centrale préservée. A un stade évolué on peut avoir une atteinte de la vision centrale avec atteinte de la vision précise qui nous permet de lire, écrire…

Diagnostic clinique

Il se fait généralement au décours d’une consultation d’ophtalmologie où vont être pris en considération :

  • les facteurs de risque individuels,
  • l’acuité visuelle,
  • l’aspect du nerf optique à l’examen du fond d’œil : il existe une excavation papillaire (Cup/Disc) et les bords de l’anneau neuro-rétinien sont amincis (avec une prédominance inférieure et supérieure),
  • la pression intraoculaire, rapportée à l’épaisseur cornéenne centrale, en tenant compte des variations possibles de ce chiffre au cours du nycthémère,
  • l’examen de l’angle irido cornéen en gonioscopie.

Aspect d’un angle irido cornéen ouvert en gonioscopie

 

 Aspect d’un angle irido-cornéen très pigmenté dans le cadre d’un glaucome pigmentaire en gonioscopie

Examens para cliniques

– Photographies du nerf optique, à la recherche d’un déficit qualitatif en fibres nerveuses visuelles. Cela permettra de comparer l’aspect du nerf optique ultérieurement pour savoir si la maladie évolue ou est stable par rapport à l’examen initial.

– Analyse quantitative des fibres nerveuses rétiniennes, qui peut être effectuées à l’aide d’un GDX, d’un HRT, ou d’un OCT. Ces examens permettent en effet de mesurer l’épaisseur de la couche de fibres nerveuses rétiniennes et de comparer les données recueillies pour un patient à une base de données normative. L’OCT a actuellement l’examen le plus utilisé.  En règle, les anomalies de la structure (décelables sur ces examens) précèdent les anomalies de la fonction (décelables par le champ visuel). Il existe 2 grands modes de mesure sur l’OCT :

  • L’OCT papillaire RNFL (rétinal nerve fiber layer) : il mesure l’épaisseur des fibres optiques autour de la tête du nerf optique,
  • L’OCT maculaire GCC (ganglion cell complex): il mesure l’épaisseur des 2 couches les plus internes de la rétine (couches des cellules ganglionnaire et couche plexiforme interne). Les anomalies seraient décelables de façon plus précoce que le mode RNFL.

Ces examens doivent être réalisés avec la plus grande précaution de façon obtenir un signal suffisant (noté sur 10) pour s’affranchir de tout artefact (qui montrerait des fausses anomalies).

– Exploration du champ visuel qui permet de tester la vision périphérique et de mettre en évidence un déficit en faveur d’une atteinte fonctionnelle du glaucome. Il existe différents types de champ visuel permettant de suivre un patient glaucomateux. L’ophtalmologiste choisira celui qui est le mieux adapté au stade de la maladie (par exemple, champ visuel central en cas de stade avancé ou le mode FDT en cas de stade débutant). Cet examen peut être relativement difficile à réaliser pour le patient  donc il peut y avoir des erreurs. Il est important d’interpréter les résultats en les confrontant au nombre de faux positif, faux négatif et perte de fixation. On peut être amené à répéter cet examen pour avoir confirmation d’une éventuelle aggravation.

– Des explorations échographiques  de type UBM (Ultra Bio Microscopie) peuvent être recommandées pour confirmer par exemple un aspect d’angle irido-cornéen étroit identifié cliniquement, tout comme l’OCT Visante de segment antérieur.

Relevés de champ visuel d’un patient glaucomateux

Exemple de champ visuel central

Exemple de champ visuel en mode FDT

Visualisation de la tête du nerf optique en rétinophotographie couleur

Relevé d’analyse des fibres nerveuses rétiniennes en GDX

Relevé d’analyse des fibres nerveuses rétiniennes en OCT RNFL (glaucome unilatéral gauche)

Image d’une échographie en mode UBM montre un angle fermé lié à un syndrome d’iris-plateau

Image d’un OCT visante montrant un iris-concave responsable d’un glaucome pigmentaire



Les bases du traitement du glaucome

1- Considérations générales

Le glaucome est une maladie chronique dont le traitement a pour objectif de stabiliser la progression de la perte en FNR, afin de préserver la fonction visuelle. En effet, le glaucome est une maladie « neurologique » dans le sens où elle touche des cellules nerveuses qui une fois détruites ne peuvent pas être remplacées. Le traitement est rarement ponctuel, il est plutôt chronique et une fois débuté se poursuit toute la vie durant.

La neuroprotection est un domaine de recherche très porteur et malgré cela en 2008, le traitement du glaucome repose sur la maîtrise de ses facteurs de risque…. Parmi les facteurs de risque de glaucome sur lesquels on peut agir, l’abaissement de la pression intraoculaire (PIO) est le seul qui ait fait, à l’heure actuelle, la preuve de son efficacité. C’est la raison pour laquelle, quel que soit le stade de la maladie, la thérapeutique proposée en première intention, et tout au long du suivi, va avoir comme but d’abaisser la PIO à un niveau tel que la perte en FNR se rapprochera de la perte physiologique ; ce niveau de baisse pressionnelle représente le but à atteindre, il s’agit de la « PIO cible ». Pour l’atteindre plusieurs options sont possibles, en règle générale les collyres hypotonisants sont proposés en première intention, mais les traitements laser peuvent se révéler efficaces ou encore une chirurgie peut être indiquée.

2- Traitement médical

IL repose généralement sur l’instillation de gouttes dans les yeux mais peut faire intervenir ponctuellement la prise d’un médicament par voie générale, l’ ACETAZOLAMIDE ou Diamox®.

Par ailleurs par voie générale sont parfois préconisés des médicaments neuroprotecteurs à base citicoline (comme le Memoptic®), mais son efficacité est débattue car les études n’ont pas montré d’efficacité réelle.

Les collyres hypotonisants oculaires sont nombreux, ils agissent par le biais d’une diminution de la production d’humeur aqueuse ou par une augmentation de son évacuation.

Les collyres sont de véritables médicaments, et au niveau ophtalmologique, leur forme galénique permet une atteinte directe de la cible thérapeutique sans passer auparavant par la circulation générale.  Selon la pression cible à atteindre, 1, 2, 3 ou 4 collyres différents peuvent être nécessaires.

Parmi les familles thérapeutiques utilisées dans la prise en charge du glaucome :

  • les parasympathomimétiques (pilocarpine) et les analogues de prostaglandines (latanoprost, travoprost, biamtoprost) permettent d’augmenter l’évacuation d’humeur aqueuse
  • les bêta bloquants (timolol, carteolol, betaxolol, levobunolol…), les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (dorzolamide, brinzolamide) diminuent la production d’humeur aqueuse
  • les sympathomimétiques (brimonidine, apraclonidine) limitent la production d’humeur aqueuse et favorisent dans une certaine mesure son écoulement
  • les associations de principes actifs, agissent généralement sur la production et l’évacuation d’humeur aqueuse, combinant des actions complémentaires

3- Les lasers

Plusieurs types de laser peuvent être utilisés dans le cadre de la prise en charge des glaucomes.

A- Il peut s’agir d’un traitement visant à « rectifier » ou modifier une configuration anatomique prédisposant à la survenue d’un glaucome par fermeture de l’angle, de façon aiguë ou chronique. Ces traitements sont l’iridotomie au laser et l’iridoplastie.

L’iridotomie au laser (argon et/ou Yag) consiste à réaliser un trou dans l’iris périphérique afin de constituer un court circuit à l’iris qui aurait tendance à faire obstacle au passage d’humeur aqueuse vers le trabéculum.

L’iridoplastie au laser argon consiste à modeler la base irienne de façon à l’éloigner de l’angle irido cornéen dans certaines indications comme par exemple dans les iris plateaux où la baser irienne réalise un angle qui a tendance à obstruer le trabéculum.

B- Il peut s’agir d’un traitement laser visant à «élargir » les mailles du trabéculum, il s’agit alors d’une trabeculoplastie (SLT : selective laser trabeculoplasty). Ce laser permet en général de  faire baisser la PIO de quelques points. On dit classiquement que le laser SLT à l’effet d’un collyre. Certains patients ne répondent pas ou très peu à ce traitement. Concernant les patients « répondeurs », l’effet peut s’estomper après quelques années et l’on peut être amené à proposer une autres séance de SLT.

Les traitements laser pré-cités sont en règle générale réalisés dans le cadre de la consultation, sur une lampe à fente dédiée au laser et ne prennent que quelques minutes. Une préparation préalable de quelques minutes peut être nécessaire à l’aide de collyres pour resserrer la pupille. L’anesthésie est topique sur l’œil à traiter pour pouvoir placer la lentille focalisatrice qui va permettre de réaliser le traitement. Le traitement laser est généralement indolore même s’il est décrit comme désagréable. Un traitement post laser anti inflammatoire et hypotonisant se rajoute au traitement habituel pour quelques jours.

Image d’un dispositif laser de type SLT :

C- Le cycloaffaiblissement au laser diode ou par ultrasons, comme son nom le laisse supposer consiste à appliquer le laser au niveau du corps ciliaire par l’intermédiaire de la sclère en regard ou par voie endoculaire. Le corps ciliaire produisant l’humeur aqueuse, sa destruction partielle permettra de diminuer la production d’humeur aqueuse et par là même, une diminution de la PIO. Ce type de traitement peut être douloureux, il est en règle réalisé au bloc opératoire sous anesthésie locale.

Ce type de traitement peut avoir des effets secondaires définitifs, ce qui limite ses indications. Il est en règle proposé aux glaucomes réfractaires qui résistent aux autres types de traitement. Ce n’est pas un traitement de première intention.

La chirurgie du glaucome ne va pas permettre, comme on pourrait s’y attendre, de traiter cette pathologie, comme on est généralement guéri de sa crise d’appendicite après une appendicectomie.

Le but de la chirurgie est là encore d’abaisser la PIO sans action directe sur la pathologie elle-même ; elle aurait l’action d’un « super collyre » que l’on n’aurait pas à instiller… Elle n’est pas synonyme de suppression définitive des collyres ou des indications de traitements laser pour la suite. C’est un moyen supplémentaire dans l’arsenal dont on dispose pour faire baisser la PIO.

Une précision fondamentale est à comprendre en la matière, la chirurgie n’a pas l’ambition de restaurer une vision, elle a pour objectif ultime de préserver le champ visuel restant.

En règle générale, les indications incontournables de la chirurgie sont une PIO non équilibrée malgré un traitement médical maximal avec des altérations du champ visuel qui s’aggravent, une mauvaise tolérance au traitement médical, une réponse insuffisante aux traitements laser.

La chirurgie du glaucome peut être réalisée, et c’est le plus souvent le cas, sous anesthésie locale ; pour autant une consultation d’anesthésie doit être programmée avant la chirurgie afin d’évaluer l’état général du patient et d’éliminer d’éventuelles contre-indications à la chirurgie. Cette chirurgie réalisée le plus souvent en ambulatoire. Elle est bien entendu réalisée en milieu stérile, au bloc opératoire.

Le suivi post opératoire est crucial et plusieurs visites seront nécessaires. Des traitements adjuvants à la chirurgie peuvent être indiqués avec parfois des injections de produits anti-cicatrisants ou la réalisation de laser dans les suites post opératoires. Bien entendu, une fois la période post opératoire passée, le suivi du patient reste indispensable même si la PIO est équilibrée car encore une fois la chirurgie ne traite pas directement la maladie …

L’objectif des chirurgies du glaucome est de favoriser la filtration d’humeur aqueuse, c’est la raison pour laquelle on les qualifie de « chirurgies filtrantes ». Plusieurs techniques peuvent être envisagées, le choix ultime revenant au chirurgien concerné, en fonction du cas clinique présenté par le patient et de son expérience personnelle.

4-1 La trabéculectomie

Réalisée depuis plus de 40 ans, le but de cette technique chirurgicale est de réaliser un « trou » dans le trabéculum pour favoriser l’évacuation des fluides de l’œil sous couvert d’une protection scléro conjonctivale. Il s’agit donc d’une chirurgie filtrante « perforante ».

Bulle de filtration en post opératoire de trabeculectomie

Trabeculectomie visualisée en échographie UBM

4-2 La sclérectomie profonde non perforante :

Elle s’adresse en règle aux AIC larges, et consiste à « affiner et affaiblir » le site de filtration qu’est le trabeculum sans le perforer, elle permet d’augmenter la perméabilité trabeculaire sans créer de solution de continuité.

Photographie per-opératoire montrant l’ablation de la membrane trabéculaire au niveau du futur site de filtration au cours d’une sclérectomie profonde non perforante

 

Sclérectomie profonde non perforante observée en échographie en UBM

D’autres techniques de chirurgie filtrante peuvent être pratiquées telles que la viscocanalostomie (peu utilisé en France). La mise en place de shunts ou valves est en règle générale proposée à des sujets à haut risque d’échec ou aux glaucomes réfractaires.

Les chirurgies filtrantes décrites précédemment peuvent être éventuellement combinées à une chirurgie de la cataracte dans le même temps opératoire. On peut être amené à pratiquer une nouvelle intervention dans le temps (ce n’est pas parce qu’on a été opéré qu’on ne peut plus être candidat à une nouvelle chirurgie du glaucome).

4-3 Les chirurgies micro-invasives du glaucome (MIGS)

Récemment se sont développées les chirurgies micro-invasives du glaucome (MIGS). C’est un groupe de dispositifs intraoculaires défini par son efficacité à réduire la pression avec une implantation rapide. Ils sont réputés pour avoir des suites opératoires plus simples mais la baisse de pression en général moins importante que les chirurgies filtrantes conventionnelles.

Ce profil de sécurité pourrait permettre un recours précoce à la chirurgie tout en offrant un délai supplémentaire avant des procédures filtrantes conventionnelles. Leur implantation peut se réaliser seule mais, le plus souvent, la mise en place de ces dispositifs est associée à la chirurgie de la cataracte.

1. L’I-stent® : il emploie la voie de drainage trabéculaire et favorise l’évacuation de l’humeur aqueuse par le canal de Schlemm. Un injecteur permet d’introduire l’implant (tube en forme de L, long de 1 mm) dans le canal de Schlemm, par voie ab interno. Les iStents® sont plutôt indiqués dans les glaucomes débutants à modérés avec une pression pré-opératoire pas trop élevée. Les complications sont rares.

Image de l’I-stent 1ère de 2ème génération (glaukos corporation)

2. L’Hydrus Microstent® : il emploie la voie de drainage trabéculaire. Il s’agit d’une structure en titane de 8 mm à insérer dans le canal de Schlemm

Image de l’Hydrus microstent® (ivantis corporation)

3. Le Cypass® : il emploie la voie de drainage supra-chorodienne afin d’augmenter l’évacuation uvéo- sclérale . Il s’agit d’implanter un tube fenêtré de 6.35 mm de long. La  société Alcon® a retiré du marché le Cypass® depuis en août 2018 au vu des résultats de l’analyse de l’essai COMPASS montrant une légère perte de cellules endothéliales cornéennes induite par ce dispositif.

Image de l’implant Cypass® (alcon) :

4. L’implant XEN® : il propose une chirurgie perforante a minima et emploie la voie sous-conjonctivale, à l’instar des chirurgies filtrantes conventionnelles. C’est un tube de collagène de 6mm avec une lumière de 45 µm. L’atout du XEN® Gel réside dans sa voie d’implantation ab interno, contrairement aux chirurgies filtrantes conventionnelles.

Image de l’implant XEN® (allergan) :

Image de l’implant XEN®  en chambre anterieure :

Image de l’implant XEN® sous la conjonctive :

4-4 L’iridectomie chirurgicale

Dans certains cas, une prédisposition anatomique ou une fermeture de l’angle irido cornéen, fait envisager une iridotomie au laser qui ne peut être réalisée pour différentes raisons, on est alors amené à envisager une iridectomie chirurgicale qui consiste à réaliser un « trou » dans l’iris périphérique là encore pour shunter l’obstacle et permettre à l’humeur aqueuse de passer de part et d’autre de l’iris.

4-5 Complications

Tout acte chirurgical comporte des risques et sans les ignorer, il semble important également de ne pas résumer l’acte chirurgical à ses complications potentielles. Si une chirurgie vous est proposée, c’est avant tout pour améliorer le pronostic d’une pathologie difficile à traiter médicalement. Néanmoins, être prévenu des risques est important et fait partie des questions à poser à son chirurgien lors des consultations préopératoires.

Ces complications peuvent être mineures : hémorragiques, inflammatoires ou pressionnelles ; elles peuvent être plus ennuyeuses et retentir éventuellement sur la vision dans de plus rares cas. La survenue ou l’aggravation d’une cataracte après ce type de chirurgie est également possible. La surveillance du site chirurgical est essentielle à court, moyen et long terme. Une complication infectieuse, même très tardive est toujours redoutée : toute douleur oculaire inexpliquée avec éventuellement baisse d’acuité visuelle doit amener une consultation ophtalmologique en urgence.



Il n’existe pas un glaucome mais différents types de glaucome avec des tableaux cliniques extrêmement différents et des prises en charge à ajuster. Leur point commun est une atteinte caractéristique du nerf optique que l’on ne sait pas à l’heure actuelle guérir, au sens où l’on supprimerait cette atteinte pour retrouver l’état antérieur. On peut stabiliser cette atteinte au moyen des différentes options thérapeutiques dont nous disposons à l’heure actuelle. L’avenir est prometteur en la matière, avec des espoirs notamment dans le domaine de la neuroprotection. Mais pour l’heure, le traitement de cette neuropathie repose essentiellement sur la maîtrise de son facteur de risque essentiel, la PIO et ce à tous les stades de la maladie. Les médicaments dont nous disposons actuellement ainsi que les techniques chirurgicales sont efficaces dans l’objectif de l’abaissement pressionnel, le dépistage de cette pathologie demeure essentiel. Cette maladie est très lentement évolutive (sur des décennies le plus souvent) et  impose un suivi régulier à vie.

Découvrez notre série : PARLONS VISION – Le glaucome

 

Auteurs

Dr Esther BLUMEN-OHANA, Service Pr Jean-Philippe NORDMANN

Dr Igor LELEU, Service Pr Jean-Philippe NORDMANN

Références bibliographiques :

  • FLAMMER J . Glaucoma. Hans Huber Editions 2001.
  • BRON A. Glaucomes, savoir utile! Medi-Text Editions 2004.
  • NORDMANN JP, DENIS Ph. Le Glaucome : Guide à l’usage des patients. Bash Editions Médicales 2004.
  • SOOHOO JR, Seibold LK, Radcliffe NM, Kahook MY. Minimally invasive glaucoma surgery: current implants and future innovations. Can J Oph thalmol 2014;49:528 – 533.
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