Pour combler le manque d’offre de soins de réadaptation pour les personnes en situation de déficience visuelle, l’Hôpital national des 15-20 et l’Association Valentin Haüy ont inauguré le 7 février dernier l’Institut de Réadaptation Visuelle Saint-Louis.
Un enjeu de santé publique encore méconnu
Derrière chaque diagnostic de malvoyance, il y a souvent des vies qui basculent : de nouvelles habitudes à acquérir, des obstacles quotidiens à surmonter et un besoin fondamental d’apprendre à vivre autrement. Cependant, en l’absence de données épidémiologiques suffisantes, la déficience visuelle demeure un handicap sous-estimé et l’offre de soins en rééducation et réadaptation se révèle limitée et mal répartie sur le territoire. Avec seulement 14 Services de Médecine et de Réadaptation (SMR) dans toute la France, et 1 seul pour toute l’Ile-de-France, les délais d’attente peuvent atteindre 2 ans.
En conséquence, de nombreux patients ignorent l’existence-même des solutions qui pourraient améliorer leur quotidien. Cela engendre une perte d’autonomie, un isolement et parfois un impact psychologique important. Le docteur Béatrice Le Bail, ophtalmologiste spécialiste en basse vision, se souvient avoir reçu en consultation quelqu’un qui, dans l’attente d’un suivi, mangeait froid depuis 3 mois ! « Il y a des gens qui développent une cécité complète brutale, poursuit-elle, et qui se retrouvent complètement livrés à eux-mêmes. Ils reçoivent des aides ponctuelles de leurs assistants sociaux de quartier mais l’encadrement de toutes les activités de vie journalière s’avère très difficilement accessible. Pourtant on sait qu’un patient accompagné tôt augmente ses chances d’assimiler les techniques de réadaptation de manière rapide et pérenne. » L’Institut de Réadaptation Visuelle Saint-Louis vient donc répondre à un besoin urgent de santé publique pour ces personnes trop souvent désemparées.
Une structure intégrée inédite
Au même emplacement, toutes les compétences sont désormais regroupées pour proposer une stratégie complète d’accueil, d’orientation, de suivi médical et de soutien médicosocial et social. Concrètement, quatre services composent la structure :
Le Pôle d’Accueil de Coordination et d’Orientation (PACO), guichet unique consultable sans rendez-vous ni prescription médicale, accueille gratuitement les adultes en quête d’informations diverses et variées : où trouver un rendez-vous d’ophtalmologie ? où pratiquer une activité physique adaptée ? comment obtenir un certificat de déficience visuelle ? Le service guide les patients vers une consultation en ville, une association spécialisée ou un SMR, selon le besoin exprimé.
Le Service de Médecine et de Réadaptation (SMR) accompagne les patients atteints de cécité ou de basse vision en coopérant étroitement avec les deux autres SMR parisiens spécialisés en déficience visuelle : celui de la Fondation Sainte-Marie ainsi que l’Unité Sensori-Cognitive des Invalides. Les équipes se réunissent régulièrement et ont instauré un système d’adressage commun des patients, coordonnant ainsi les parcours de soins pour la région parisienne et réduisant le risque d’errance thérapeutique. `
Le Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH) et l’antenne Valentin Haüy Paris-Bastille proposent des activités culturelles adaptées et des cours favorisant l’autonomie : locomotion, apprentissage du braille, utilisation des nouvelles technologies et téléphonie
Le Centre d’orientation pour les personnes malvoyantes (CECOM), soutenu par la Fondation du groupement Optic 2000, reçoit gratuitement, sur rendez-vous, les personnes malvoyantes pour des bilans visuels et des évaluations d’aides optiques.
Un accompagnement entièrement individualisé
Les patients du SMR bénéficient d’une prise en charge hebdomadaire de 3 à 4 mois pour poser les bases de la réadaptation. « Chaque cas est un cas particulier, explique le docteur Le Bail. Certains viennent de loin et nous devons trouver des solutions d’hébergement. D’autres présentent des contraintes médicales supplémentaires, comme la dialyse, et il nous faut organiser nos rendez-vous en fonction de leurs impératifs. Nous sommes tout le temps en train de faire du sur-mesure pour faciliter la vie de nos patients. » Une considération que salue Liliana Predica, patiente partenaire à l’Hôpital des 15-20, qui souligne le temps accordé à chacun pour trouver non seulement les verres qui lui correspondent mais aussi tous les équipements de la vie pratique : ordinateur, téléphone, etc. « Ici, précise-t-elle, chaque patient est accueilli avec une écoute attentive de son parcours, de ses particularités, de ses craintes et de ses difficultés. On est aidé par les meilleurs spécialistes : ophtalmologistes mais aussi ergothérapeutes, psychomotriciens, orthoptistes, opticiens, informaticiens… »
Lors de leur hospitalisation de jour, les patients accèdent à un plateau technique recréant les conditions de la vie quotidienne. Et, une fois que les bases de la réadaptation sont acquises, une transposition à domicile est opérée. Si nécessaire, le Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH) intervient sur place pour identifier et mettre en place les besoins d’aménagement spécifique et faire les démarches auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH).
Ainsi, l’Institut de Réadaptation Visuelle Saint-Louis offre une perspective nouvelle aux personnes aveugles ou malvoyantes et pour les 262 patients qui se sont déjà adressés au PACO depuis mars 2024, il s’agit bien plus que d’une prise en charge : c’est la promesse retrouvée d’une vie autonome, d’un quotidien réinventé et d’un nouvel élan d’espoir.
Chiffres clés
262 sollicitations reçues au PACO entre mars et octobre 2024
17 demandes en attente de traitement
80 demandes en cours de traitement
165 orientations finalisées