Examen rétinien : la révolution des images

Différentes images d'un oeil transparisé

Les pathologies rétiniennes, qu’elles soient liées à l’âge, à une maladie chronique ou à des prédispositions génétiques, touchent une grande variété de patients, avec des effets à court et long terme. Leur détection précoce représente un enjeu majeur de santé publique. La révolution des techniques d’imagerie transforme la pratique de nos médecins, notamment celle du professeur Michel Paques, chef de service à l’Hôpital des Quinze-Vingt et coordonnateur du Centre d’Investigation Clinique Vision. Rencontre.

À quoi sert l’imagerie rétinienne ?

Michel Paques : Les pathologies de la rétine sont très diverses : dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), rétinopathie diabétique, décollement de rétine… Elles peuvent toucher différentes zones de l’œil, affecter la vision de manière plus ou moins grave et mener à une perte de vision totale si elles ne sont pas diagnostiquées et prises en charge suffisamment tôt. Or des affections comme la DMLA ou la rétinopathie diabétique évoluent souvent de manière silencieuse, sans symptômes évidents au départ. Par ailleurs, l’œil est un indicateur clé de l’état de santé général, ce qui est déterminant pour comprendre le rôle des images de la rétine. De nombreuses équipes, dont la nôtre, s’intéressent en effet à leur potentiel pour diagnostiquer des maladies comme l’hypertension artérielle ou la maladie d’Alzheimer. L’imagerie rétinienne occupe donc une place essentielle en médecine et elle voit son impact augmenter avec les progrès technologiques. Grâce une résolution exceptionnelle, elle permet désormais de voir l’intérieur des cellules avec une précision inédite, de visualiser et d’analyser la santé de la rétine, d’identifier d’éventuelles anomalies dès les premières manifestations et d’anticiper leur évolution. L’imagerie rétinienne a ainsi véritablement transformé la manière dont nous diagnostiquons et suivons les maladies de la rétine et la santé en général.

En parlant de transformation, comment les techniques ont-elles évolué dernièrement ?

Michel Paques : Historiquement, l’examen de base consistait en un fond d’œil, une procédure simple, qui se pratique toujours, au cours de laquelle le médecin éclaire l’intérieur de l’œil à l’aide d’un instrument appelé ophtalmoscope. Celui-ci permet de visualiser la rétine et le nerf optique mais il offre une vision limitée en deux dimensions et laisse parfois échapper des détails importants pour diagnostiquer les pathologies à un stade précoce. La recherche et l’évolution des technologies ont permis de franchir un cap majeur avec l’émergence de l’imagerie en haute résolution, et notamment de l’OCT, mais d’autres techniques révolutionnaires vont prochainement arriver sur le marché. L’Holodoppler, par exemple, qui a été mis au point avec l’Institut Langevin et notre équipe, permet de mesurer le flux sanguin de la rétine et de détecter des vaisseaux profonds comme dans la choroide, inaccessibles aux examen habituels. Il combine deux techniques principales :

  • Le Doppler optique dont le principe consiste à envoyer un faisceau lumineux sur les vaisseaux sanguins afin de faire rebondir la lumière sur le sang en mouvement et d’en modifier la fréquence. Cette variation permet alors de mesurer à la fois la vitesse et la direction du flux sanguin.
  • L’holographie numérique qui génère des images en 3D de l’intérieur de l’œil, avec une précision exceptionnelle, pour visualiser les vaisseaux sanguins et d’autres structures microscopiques, sans avoir besoin de produits de contraste ou de procédures invasives.

Revenons à l’OCT qui est actuellement l’examen d’imagerie médicale le plus pratiqué au monde. De quoi s’agit-il ?

Michel Paques : L’OCT, pour Tomographie par Cohérence Optique, est une technique d’imagerie que l’on pourrait comparer à un scanner de l’œil. Évidemment, elle n’utilise pas les rayons X mais se base sur un faisceau de lumière infrarouge – donc invisible – qui pénètre dans l’œil et se réfléchit sur les différentes couches de la rétine. Ces réflexions sont ensuite analysées pour créer des images de la rétine en coupes très fines, d’une précision microscopique, ce qui nous permet de repérer des anomalies telles qu’un épaississement des couches rétiniennes, des fuites de liquide, ou encore des changements dans la structure des vaisseaux sanguins. Nous sommes ainsi en mesure d’identifier très tôt les pathologies, avant qu’elles ne causent des dommages permanents. Cette technique présente, en plus, l’avantage d’être particulièrement rapide – on obtient des résultats en quelques secondes – et elle est non invasive, ce qui signifie qu’aucune douleur n’est ressentie lors de l’examen. C’est une vraie révolution qui se poursuit à la faveur des progrès de l’intelligence artificielle.

Dites-nous en plus sur l’impact de l’intelligence artificielle.

Michel Paques : L’OCT ne constitue qu’une étape – certes fondamentale – dans ces avancées décisives. Depuis, nous avons vu des améliorations notables, comme l’OCT-A, qui permet de visualiser les vaisseaux sanguins rétiniens sans recours à des produits de contraste. Un vrai gain de confort pour les patients ! L’introduction de l’intelligence artificielle dans l’analyse des images va encore faciliter les diagnostics, et surtout accélérer le traitement des données. Grâce à des algorithmes d’apprentissage profond (deep learning), l’IA peut améliorer la qualité des images et interpréter des millions de clichés rétiniens avec une précision parfois supérieure à celle de l’œil humain. Elle est capable, par exemple, d’identifier des signes de rétinopathie diabétique ou de DMLA à un stade si précoce que les changements ne sont parfois même pas encore visibles. Elle peut aussi prédire l’évolution de certaines pathologies. Pour la médecine générale, c’est un outil d’aide à la décision qui contribue à poser les bons diagnostics, à mettre en place des traitements personnalisés et à améliorer le suivi de nos patients. Dans une discipline ou chaque détail compte, c’est un appui précieux qui ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement des maladies de la vision surtout dans un contexte de difficultés d’accès aux soins. Il reste cependant à démontrer son utilité en milieu spécialisé.

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