Rencontre avec Elena GOFAS, chercheuse et « Jeune Talent »

Elena GOFAS est chercheuse au CIC et vient de réussir le concours de chargée de recherche INSERM. Elle a reçu en octobre le prix Jeunes Talents 2022 décerné par la Fondation L’Oréal – Unesco dans le cadre du programme « Pour les femmes & la science » pour son projet « Détecter l’indétectable pour mieux traiter les maladies rétiniennes et du cerveau ». Rencontre avec cette franco-espagnole passionnée par l’optique et en particulier par l’imagerie. Son ambition : imaginer des systèmes d’imagerie pour détecter des cellules rétiniennes encore invisibles à ce jour et ainsi comprendre certaines maladies comme la sclérose en plaques.

Quel est votre parcours ?
J’adorais l’astronomie étant enfant, je regardais les étoiles avec mon grand-père à travers un télescope. J’aimais les mathématiques, j’étais curieuse et je voulais en savoir plus sur le monde. Après le lycée j’ai donc intégré l’Institut d’Optique à Paris dans l’idée de devenir astrophysicienne – en réalité j’avais pris cette décision à 12 ans déjà ! C’est là que j’ai découvert ma passion pour l’optique. J’ai commencé mes travaux de recherche au Space-Telescope-Science-Institute où j’ai travaillé sur l’analyse des données du télescope Hubble pour la recherche d’exoplanètes. J’ai ensuite décidé de me spécialiser en imagerie médicale à l’Imperial College à Londres. Partagée entre les domaines de l’astronomie et du biomédical, j’ai mené une thèse à l’ONERA, laboratoire aérospatial européen, dans le développement d’imageries à haute résolution de la rétine, en utilisant l’optique adaptative qui est une technologie issue de l’astronomie. Ce sujet m’a permis d’exploiter mes connaissances en imagerie astronomique et ophtalmique.

L’œil est la seule fenêtre optique transparente de notre corps donnant un accès non-invasif aux réseaux neuronaux. Des maladies neurodégénératives pourraient être précocement diagnostiquées par une imagerie de haute précision de la rétine. Depuis mon doctorat, je cherche à développer des instruments imageant des cellules nerveuses de la rétine trop transparentes pour être détectées par les techniques classiques. En post-doctorat à l’Université de Pittsburgh, j’ai développé un système permettant d’imager in-vivo des cellules microgliales et ganglionnaires chez l’homme, ainsi que des cellules inflammatoires chez des patients souffrant de neuropathies. Ces cellules pourraient devenir des biomarqueurs informant sur le rôle de l’inflammation dans de nombreuses pathologies dégénératives. Ces développements sont appelés à avoir un impact durable sur la compréhension et le traitement des maladies neurodégénératives.

Quels sont les enjeux de vos recherches et leurs applications pour la science, pour la société ?
Les enjeux à court terme sont de permettre le développement de nouveaux traitements pour les maladies rétiniennes comme par exemple la thérapie génique. Cette dernière se base sur la réparation ou reconstruction du matériel génétique défectueux pour prévenir ou traiter la maladie. Le système d’imagerie que je développe permet de faire des images des cellules visées par le traitement et donc d’un côté permet d’évaluer chez les patients les cellules survivantes et d’orienter leur parcours thérapeutique. Ensuite il permet de vérifier que la détérioration cellulaire est freinée et la vision est préservée – ou restaurée – avec succès pour les patients suivant ces thérapies. Cette nouvelle technologie que je développe a aussi le potentiel de nous donner accès aux modifications cellulaires clés pour étudier les mécanismes inflammatoires spécifiques qui jouent un rôle dans la causalité et l’évolution des maladies neurodégénératives.

Avez-vous un rêve, un objectif ou un miracle que la science pourrait réaliser ?
Je rêve de développer un système qui permettrait de comprendre la cause de certains troubles neurodégénératifs comme la sclérose en plaques.Tant qu’on ne comprend pas pourquoi et comment ces maladies se déclenchent et progressent, nous ne pourrons pas développer un traitement adapté. Je construis des systèmes d’imagerie rétinienne. La rétine étant une extension du cerveau, mon rêve est de faire de l’œil une fenêtre au cerveau permettant d’observer in vivo et suivre les modifications cellulaires des patients et grâce à ces observations de rendre possible le développement de thérapies pour la sclérose en plaques ou la maladie d’Alzheimer.

Qu’aimez-vous particulièrement dans votre métier ?
C’est une question difficile car j’adore tous les aspects de mon métier. Mais si je dois choisir, c’est la capacité de la science à me surprendre, à nous rendre capable chaque jour de faire des choses encore plus miraculeuses. A comprendre comment un gène exprime une fonction cellulaire ou comment une cellule peut régénérer un tissu et utiliser ce savoir pour aider les gens et la société. J’ai la chance de non seulement développer la physique et l’ingénierie mais de travailler sur l’application à l’hôpital et de voir l’effet de nos recherches sur des patients. L’idée que chaque jour nous sommes plus prêts de les aider est très gratifiante.

En dehors de la science, avez-vous une autre activité que vous aimeriez partager avec nous ?
J’adore les arts et le dessin, la peinture en particulier. Lorsque j’étais au lycée j’hésitais à faire l’école des Beaux-Arts, mais finalement ma passion pour les sciences a gagné. Néanmoins, je pense que ma créativité est reflétée dans mon travail car l’ingénierie nécessite d’avoir des idées originales et une vision, ce que j’ai pu développer avec mes activités artistiques. Je fais en fin de compte de l’imagerie, ce qui est un peu une sorte de tableau des cellules. J’ai commencé aussi à courir sérieusement il a un an et mon objectif est de courir un jour un marathon. Cette activité me donne un ordre dans mon quotidien complémentaire à un travail qui peut être chaotique et intense par moments.

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